Le parasite / Az élősködő

Le parasite / Az élősködő
Kiadó: MEET
Fordító: Agnès Jarfas
Kiadás helye: Saint Nazaire, Franciaország
Kiadás éve: 2017
Borító: puhakötés
ISBN 13: 9791095145073
Nyelv: francia – magyar

Részlet

C’est peut-être au tout début que tout s’est décidé. C’est inconcevable, mais j’ai toujours été attiré instinctivement par les maladies. Dans mon enfance, par exemple, pour divers symptômes suspects, je me réfugiais régulièrement dans les hôpitaux, comme quelqu’un qui trouvait sa sécurité uniquement là. L’hôpital était mon univers, car quelque solide que me parût l’ordre à l’extérieur, je me sentais véritablement libre dans le silence des murs vert olive. Bien entendu, au bout de deux ou trois semaines, ils constataient que je n’avais rien du tout ; moi, en revanche, en m’apprêtant à rentrer à la maison, je savais parfaitement que j’allais revenir bientôt dans un de ces établissements délabrés. Ce que les enfants redoutent et ce qui angoisse les adultes, cela me rassurait.

En premier lieu, ce n’étaient pas les différents cas cliniques que j’aimais, mais cette aura mystérieuse que la maladie créait autour d’elle. Je la saisissais dès que, accompagné par mon père, je franchissais le seuil de l’hôpital et que j’apercevais à l’entrée le visage las du gardien voilé par l’ennui ou par l’obligatoire rigueur stipulée dans le contrat de travail. Je m’imaginais que là, il était l’un des personnages les plus importants. Il portait sa veste bleu marine avec la fierté des fonctionnaires à qui on a conféré un pouvoir, parfaitement conscient du fait qu’il n’y était pas seulement un gardien en service, mais la barrière douée de souffle d’une ligne de front qui sépare deux mondes. Comme si ses yeux, tantôt ternes, tantôt brillant d’une lueur plus éclatante, émettaient cette lumière indéfinissable qui accueillait ceux qui entraient à l’hôpital. Moi je voyais immédiatement la différence, peut-être aussi nettement qu’un virologue saisit l’état aseptisé, invisible pour d’autres, du laboratoire. J’aspirais cette lumière, je l’appelle lumière, pourtant les fenêtres laissaient à peine passer le jour et même cela était atténué par cette caractéristique odeur d’hôpital qui répugne tant les gens, comme l’air pesant de la montagne dégoûteles tuberculeux. Je ne me trompe peut-être pas en affirmant que je percevais l’extension matérialisée des différentes maladies de ceux qui y avaient souffert ou y souffraient alors en ces lieux dans cet étincellement. Je pourrais comparer les résultats de mes observations à l’instant où, à des occasions favorables, nous parvenons à distinguer ce qui est derrière le sourire de quelqu’un, par exemple en découvrant les piliers qui équilibrent et soutiennent le sourire, piliers qui, si quelqu’un ou quelque chose les faisait plier, détruiraient immédiatement l’effet indiscutable un instant plus tôt.

À la vue des médecins apparaissant dans le couloir, je respirai. Enfin à nouveau chez moi, me dis-je, soulagé, pendant que mon père m’accompagnait à la porte bien connue des admissions. Je craignais seulement que le médecin se ravisât au dernier moment et m’annonçât, joyeux, que je ne devrais finalement pas y rester. Grâce à ma vigilance, je pus continuer à produire rigoureusement les symptômes inventés une semaine plus tôt, si bien que, l’examen refait, le docteur put me confier à l’une des infirmières. Car comment eût-il pu soupçonner qu’un garçon de dix ans pût jouer le malade ? Pendant qu’il cherchait la raison de mes maux de tête constants, de mes vertiges fréquents et de mes prétendues pertes de connaissance, moi, pâle, j’attendis le verdict, redoutant que, d’un instant à l’autre, il découvrît le pot aux roses. En voyant mon visage inquiet, il ne pouvait certainement pas penser à malice, et encore moins au fait que je désirerais rester dans un lieu que toute autre personne aimerait fuir. D’ailleurs, je le bernais, car, lorsqu’il m’annonça qu’il faudrait me faire une ponction lombaire, je levai sur lui un regard quasiment joyeux, comme celui qui attendait sa guérison prochaine de cet examen.

Ensuite je fus conduit dans ma chambre d’hôpital et on me montra mon lit. Bien sûr, je n’avais pas de pyjama, mon père dut leur signaler que l’on me fournit un vêtement de nuit. Peu après, lorsque l’infirmière le posa devant moi, je n’avais nullement honte, mieux, je fus envahi par une gaîté suspecte, comme si, avec cet uniforme délavé et dépareillé, j’étais devenu un membre reconnu de l’hôpital, contrairement aux semi-pékinsque, vu leurs propres pyjamas et robes de chambre, je ne pouvais pas considérer comme des résidents de plein droit. J’étais mal fagoté, mais ces frusques m’appartenaient, tout comme la tricherie grâce à laquelle j’avais réussi à induire en erreur mon entourage. Puis je n’attendis que pouvoir dire au revoir à mon père. Il essaya de me consoler, je ne devais pas avoir peur, ils allaient bientôt me rendre visite, mais pendant qu’il me caressait la tête, je me disais : « pourvu que je sois arraché le plus tard possible à la liberté que je vais ressentir après notre séparation ». Dès qu’il quitta la chambre, je fus soulagé. Enfin la dernière attachequi me reliait au monde extérieur avait disparu, désormais sa présence non plus ne perturbait pas ma solitude.

Dans cet enfermement, cette peur que je n’aurais jamais réussi à vaincre, ni à la maison ni à l’école, se mit à se dissoudre lentement. On aurait dit que je ne pouvais respirer que dans cet espace séparé du monde extérieur, serré entre quatre murs. J’inspirais l’air que le corps malade de mon compagnon de chambre expirait, et c’était aussi libérateur que l’autorisation inattendue d’une sortie de quarante-huit heures pour un prisonnier. C’est dans cet environnement désolé et triste aux yeux de tous que j’ai découvert mon identité tellement problématique. Non seulement la proximité des autres malades me rassurait, mieux, j’y puisais de la force. Je me nourrissais de leur angoisse, de leur incertitude, de leurs douleurs, à l’instar des animaux qui tirent leur nourriture des excréments humains. Je ne dus même pas scruter leurs visages pour y découvrir ce flottement bien particulier que formait la mosaïque des peurs de leurs maladies. C’est peut-être le ressenti intensif de ce jeu d’ombres détaché de leurs corps qui m’attirait dans ces chambres, où je pouvais observer que plus une personne était vulnérable, plus elle dégageait une vibration qui se séparait de la matière tout en restant en relation avec elle. Plus tard, lorsque je croisais le regard d’un de mes camarades de chambre, c’est à travers ce voile déchiré que je le rencontrais, et je ne pouvais me débarrasser de l’impression que ce n’était pas cette personne qui me regardait, mais que c’était le flux entourant son visage qui descendait sur moi.

J’y appris également que, chez les personnes supposées intéressantes pour telle ou telle raison, c’était l’aptitude à se taire qui préparait le chemin. Je restais couché des journées entières à proximité des corps muets, car c’est ainsi que je pouvais les cartographier véritablement. Selon l’avis général, c’est, bien entendu, par le dialogue que nous sommes capables de connaître l’autre. Or, mes expériences à ce sujet sont différentes. Le corps respirant près de nous exsude de l’eau, comme le corps des exécutés verse du sang sur la neige fraîche, il suffit d’observer les « messages », ces précipités, qui s’accompagnent d’odeurs agréables ou désagréables. La maladie facilita sans doute ma tâche en rendant ces corps vulnérables, puisqu’elle arrachait la carapace avec laquelle chacun se protégeait grâce à une pratique persévérante acquise de longue date. Alors que là, sur ces lits d’hôpital, les corps se rapprochaient aussi insensiblement que, sur la table d’un cordon-bleu les saveurs des légumes et des sauces destinées à un dîner exceptionnel.

Même s’il l’avait raconté, je n’aurais jamais été capablede concevoir la faiblesse que je percevais chez l’homme du lit voisin, laquelle faiblesse ligotait au sommier, par des cordes invisibles, non seulement son corps, mais aussi le mien. Par-delà l’espace d’un mètre et demi qui nous séparait, j’accueillis son immobilité ; bientôt la diminution de la pression artérielle de sa circulation sanguine [au ralenti] détendit les parois de mes propres veines. Il me semblait que j’approchais le centre de l’énergie vitale qui assurait la cohésion de son organisme, car brusquement je fus inondé par une  chaleur d’origine inconnue. Pourquoi ne pourrais-je pas supposer que le corps, cette chair respirante, couverte de peau, ce récipient empli de cellules et de tissus, cette cuve remplie d’humeurs de 37°C pût obéir, dans certaines situations, à des lois gravitationnelles toutes différentes ? Par exemple à l’attraction qui fait dissoudre, sans qu’ils se touchent, deux corps l’un dans l’autre, et cela au niveau des sensations considérées hautement suspectes. Nos sens fonctionnent alors comme ceux des bêtes, obéissant à des excitations inconnues, qui perçoivent le danger qui guette leur maître se trouvant à une distance de mille kilomètres.

Fülszöveg

La littérature moderne s’est toujours intéressée à la maladie, particulièrement aux troubles psychiques et mentaux. Le héros adolescent du Parasite simule, pendant des années, différentes maladies pour se retrouver encore et encore à l’hôpital. Pendant longtemps, le garçon solitaire ignore ce qui se cache derrière son comportement maniaque. Avec le temps, il réalise tout de même que l’intérêt exceptionnel qu’il témoigne à la maladie résulte de sa nature. D’où il n’y a qu’un pas pour rencontrer ses propres démons, ce qui, par la suite, lui réservera d’épouvantables supplices. À cette époque, l’objet de ses obsessions sera la sensualité féminine…

Le héros du roman est hongrois, sa vie se déroule dans la Budapest de la fin du siècle dernier, mais sa figure doit être familière à beaucoup, que l’on vive en Europe ou ailleurs.

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